Elle fit couler beaucoup d'eau...et beaucoup d'encre.
Pas loin d'une centaine de pages calligraphiées sur un papier jauni, d'une écriture, certes élégante mais souvent illisible, nous racontent une partie de l'histoire de la fontaine qui siège au coeur du village, à travers les interminables procès-verbaux dont elle fut l'objet de 1849 à 1869.
Procès verbal de non conciliation daté du 11 janvier 1849 : L'affaire concerne M.Jean-Pierre Constand Frémeau, ancien notaire à Roucy, propriétaire d'une maison que l'on appelait autrefois Le Prieuré, et M. Eugène Nourisson, notaire demeurant à Roucy. La commune de Roucy qui possédait cette fontaine en avait réservé le trop plein aux propriétaires successifs du Prieuré depuis des temps très reculés...une décisison jamais constestée, d'autant plus que dans l'esprit de la commune, il s'agissait-là d'une charge de recevoir toute cette eau.
En 1825 déjà, un ancien propriétaire du Prieuré, Maître Jobard, avait eu maille à partir avec la justice à ce propos. Jugeant le débit des eaux de la fontaine trop important pour ses besoins personnels, il avait fait remplacer les buses en terre cuite qui acheminaient d'eau de la fontaine à sa propriété par des buses en fonte dont le calibre était beaucoup moins important, le reste du trop plein se déversant dans la rue de La Chevoye, menant de Roucy à Guyencourt. On se doute que cet écoulement sauvage créa de grandes nuisances, surtout en hiver, et que la commune décida, après de multiples et vaines injonctions, d'agir juridiairement en 1833. A cette époque, Maître Jobard n'habitait pas Roucy et se faisait représenter par Maître Perin, lui-même propriétaire d'une maison située au-dessous de la fontaine et donc proche du Prieuré. Il ne lui échappa pas que récupérer pour son profit les eaux non absorbées, représenterait pour sa maison un avantage considérable. Sa proposition d'exploiter le trop plein s'écoulant sur la chaussée fit le bonheur de Maître Jobard qui échappait ainsi au procès dont le menaçait la commune.
Mais cette histoire est loin d'être un conte de fées !
En 1949, Maître Frémeau, le nouveau propriétaire du Prieuré s'aperçut, face à la rareté du débit, que les moyens employés par son voisin pour récupérer les eaux non absorbées par les buses du Prieuré étaient loin d'être conformes aux conditions exigées par le Préfet : à savoir que ces moyens ne devaient en ancun cas porter atteinte aux droits du Prieuré. Mais il apparut que Maître Perrin, au lieu de placer l'ouverture de ses conduits au-dessus de l'ouverture des conduits du Prieuré, avait fait le contraire, de manière à recevoir la première eau au détriment du Prieuré ! Ces travaux clandestins avaient été rendus possibles du fait de l'absence du propriétaire du Prieuré qui n'habitait pas Roucy et n'avait pu exercer aucun contrôle lors de leur réalisation.
Maître Frémeau engagea alors une action en justice pour en demander le redressement, s'adressant au nouvel acquéreur de la maison en question : M. Nourisson, puis M.Fover, le successeur. La conciliation fut signée le 8 Janvier 1869, réparant les torts subis par Maître Frémeau... un procès qui dura plus de 20 ans !
Aujourd'hui, la fontaine n'est plus alimentée par la source qui venait du lieu-dit "Les Presles" mais bénéficie d'un circuit d'eau autonome et d'une pompe, échappant ainsi aux problèmes de trop plein d'eau !